Histoire de la Nouvelle France – Chapitre 2

Chapitre 2 : La remontée du Saint Laurent

Lorsque Jacques Cartier arriva près de la ville de Québec
il amarra ses vaisseaux et établit son camp d’hiver. Il n’en demanda pas l’autorisation aux Indiens qui habitaient les deux villages voisins de Stadaconé et Sitadin. En plus il les offensa en leur annonçant son intention de visiter l’agglomération de Hochelaga, sur l’île de Montréal, sans avoir conclu la permission de traverser leur territoire, comme l’exigeait la coutume. Cartier devint très mécontent de l’hostilité de plus en plus marquée que lui manifestaient les deux fils de Donnacona qui, tout comme Franscico de Chicora et Don Luis de Velasco, n’avaient nullement apprécié leur captivité européenne. Il faut dire que la rigueur de la discipline européenne avaient choquée les deux jeunes Indiens élevés dans une culture, où, sous aucun prétexte, on n’infligeait de châtiments corporels et d’humiliations publiques.

Au début de l’automne, Jacques Cartier remonte, avec quelques-uns de ses hommes, le fleuve Saint Laurent et se rendirent à Hochelaga sans être accompagné de guides et d’interprètes Indiens. Cette bourgade iroquoienne fortifiée avait une densité de population beaucoup plus importante que celle des tribus de la région de la ville de Québec et ces Indiens dépendaient beaucoup plus de l’horticulture. Cartier y fut très chaleureusement accueilli et il distribua de très nombreux présents comme la coutume le demande.
Les Indiens, persuadés que les objets de métal et les perles de verre qu’il apportait lui conféraient de grands pouvoirs surnaturels, ils demandèrent à Cartier d’imposer ses mains sur les malades. Bien que cette accueil fut chaleureux, il ne fit aucune confiance aux iroquoiens dont la tribu devait lui rappeler celle des Tupinambas. Il refusa leur hospitalité et, après s’être rendu sur le Mont Royal pour y embrasser du regard les environs de l’île, il comprit très vite que ses navires ne pourront jamais franchir les rapides de Lachine et il repartir. Sa visite a duré moins d’une heure. (Biggar 1924)

Durant l’hiver, Jacques Cartier et ses hommes furent victimes du froid, de la maladie, et hantés par la peur des Indiens, il était convaincu que Donnacona et ses fils complotaient leur massacre. Quand une épidémie se déclara dans Stadaconé, Cartier ordonna aux Indiens de se tenir éloignés du camp français. (Biggar 1924). Plus tard, ayant observé que de nombreux hommes quittaient le village pour la chasse annuelle et hivernale, Cartier crut qu’ils s’apprêtaient à attaquer le camp français. Plus tard, lorsque bon nombres de Français furent atteints par le scorbut, Cartier s’efforça de le cacher aux Indiens, de crainte que ceux-ci n’en profite pour les attaquer. Pourtant, ils finirent par en prendre connaissance, et leur apprirent à se soigner et se guérir du scorbut en buvant de la tisane d’écorce de cèdre blanc, Thuja occidentalis, riche en vitamines C.
Bien que les rapports étaient tendus, les iroquoiens du Saint Laurent échangèrent avec les Français du poisson, de la viande fraîche contre des couteaux et des perles de verre. Cartier savait désormais que le Canada n’offrait aucune voie d’eau pour rejoindre le Pacifique. Cependant il pensa que d’installer une colonie française sur les bords du Saint Laurent pouvait servir de base d’exploration pour l’intérieur du continent. Il avait également l’espoir de découvrir et de conquérir une richesse aussi importante qu’au Mexique. Dans cette perspective, Cartier décida d’enlever Donnacona et ses fils et de les amener en France pour qu’ils puissent eux-mêmes raconter tout ce qu’ils savaient au roi de France et à ses ministres. Cartier croyait aussi que le départ de Donnacona favoriserait la nomination d’un nouveau chef mieux disposé à son égard. Lorsque Cartier retourna en France en mai de 1536, il amena avec lui dix Iroquoiens. Il n’était plus question d’explorer pacifiquement l’Amérique du Nord mais de conquérir le continent et surtout de s’en assurer la maîtrise, il changea d’attitude à l’égard des Indiens qu’il se mit à traiter de façon beaucoup plus cynique et opportuniste.
François 1er fut impressionné par les récits de Donnacona et par la promesse de guider les français au royaume du Saguenay. Par la suite François 1er décida de concurrencer les Espagnols en Amérique du Nord et d’établir une colonie française sur les bords du Saint Laurent, dont le commandement sera confié au noble Jean François de La Roque, sieur de Roberval, qui se voyait conférer les pouvoirs de vice-roi.

En 1541, Jacques Cartier repartit à nouveau, accompagné cette fois-ci de plusieurs centaines de colons, hommes et femmes. Il s’établit à Cap Rouge, proche de Québec, sans avoir demandé la permission aux Stadaconiens. Seule une femme survécue parmi les dix otages emmenés en France en 1536. Cartier jugea bon de ne pas en parler en ne la rendant pas à son peuple. De retour aussi à l’île de Montréal il lui fut impossible de faire franchir à ses navires les rapides de Lachine. Durant l’hiver, les Indiens assiégèrent son campement. L’été suivant, des pêcheurs basques espagnols apprirent des Indiens venus au détroit de Belle-Isle pour échanger des peaux de loup contre des haches et coteaux que plus de 35 hommes de Cartier furent massacrés par des Iroquoiens du Saint Laurent. Cette information provenait d’un groupe d’Indiens qui vivaient en amont du fleuve. De plus en plus de pêcheurs et de baleiniers européens fréquentaient le détroit de Belle Isle, assurant ainsi aux Stadaconiens, un accès permanent aux marchandises européennes, ces derniers étaient beaucoup plus décidé à attaquer et refouler ces envahisseurs français qui avaient enlevé leur chef et les jeunes et qui s’étaient installés sans permission chez eux. Au printemps 1542, Cartier leva le camp par la force des choses, mais en juillet de la même année, Roberval rebâtit le campement pour s’y installer avec environ 150 colons. Ceux-ci ne connaissant pas le remède contre le scorbut, il en mourut plus des deux tiers durant l’hiver. Beaucoup se font envoyer des kilos de farine de maïs.
Le sieur de Roberval du se résigner à ne voir que pure invention dans la légende d’un royaume du Saguenay rapporté par Donnacona.
En 1543, Roberval et les quelques colons encore vivants retournèrent en France. Ainsi furent abandonnées jusqu’au siècle suivant les tentatives de colonisation européenne du Saint Laurent. Cartier et Roberval n’avaient pas réussi à découvrir un riche royaume, quand à l’or et aux diamants dont regorgeaient apparemment les environ de Québec, ce n’était que de la pyrite de fer et du quartz. Les rois et nobles qui pensaient s’y enrichir, se désintéressèrent du Canada.
Jusqu’à la fin du siècle des marchands moins ambitieux tirèrent profit du commerce des fourrures. L’échec de la colonisation laissa un héritage pénible entre Français et Iroquoiens du Saint Laurent. Ce n’est qu’en 1580, d’après certains documents, que les Indiens de la région de la ville de Québec permirent à de nouveau européens de voyager à l’ouest de Tadoussac.

La suite de l’histoire de la Nouvelle France dans le troisième chapitre. Les Européens de 1540 à 1600.

Lisez la suite au chapitre 3 : Les Européens de 1540 à 1600

Bibliographie : Biggar H.P. 1924 : « The voyages of Jacques Cartier »